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Scenarios (ci-dessous)

1. Pourquoi pas Blanche-neige pendant qu'on y est ?
2. Plus tard, je serai Zorro

PRIX

Pourquoi pas Blanche-Neige pendant qu'on y est ?
(scénario de court-métrage)

— Prix de la Fondation Beaumarchais
— Premier prix / Concours national du scénario de court- métrage de L'Eure
— Grand Prix du meilleur scénariste de court-métrage / Festival du film français d’Albi
— Aide à la création de musique originale pour le court-métrage / Moulin d’Andé - Sacem
— Aide de la Région Provence Alpes-Côtes d’Azur.
— Aide du département de l’Eure

Plus tard, je serai zorro
(scénario de court-métrage)

— Prix de la Fondation Beaumarchais
— Prix du meilleur scénario - Festival du film court de Lille
— Aide de la région Champagne-Ardennes
— Aide de la région Nord Pas-de-Calais
— Aide à la création de musique originale pour le court-métrage / Maison du film court - Sacem

Rendez-vous au paradis
(scénario de long-métrage)

— Prix de la Fondation Beaumarchais
— Prix Thot Fiction
— Résidence d’écriture au Centre d’Ecriture Cinématographique du Moulin d’Andé-CECI

Plus tard, je serai Zorro


Synopsis

Un enfant de huit ans se déguise en Zorro pour surmonter la peur de rentrer chez lui.

Note d'intention

J’ai choisi de parler de la peur que ressent un enfant face à un adulte qui le traître mal. Je ne souhaite pas parler de cette violence en elle-même (que l’on ne verra pas), mais de la façon dont l’imaginaire d’un enfant procède pour l’aider à trouver une échappatoire à cette situation dramatique.


Le monde que s'inventera le petit garçon de notre histoire sera drolatique, et prêtera éventuellement à sourire. Par contre, quand notre attention se portera sur cet enfant, on verra un enfant qui ne sourit jamais.


La mise en scène des deux mondes — imaginaires et réelles — sera très différente. Certaines scènes du monde imaginaire seront burlesques, avec un traitement rapide, ludique. Tout ce qui traitera de la réalité du garçon sera filmé avec plus de douceur et d’attention.

Je souhaite que ce film ait un côté intemporel ; les décors et les costumes ne seront pas d’une époque en particulier, un peu comme les classes d’une école communale qui ont su garder ce mélange improbable de rusticité et de modernité.

Même si on sourira tout au long du film — du moins, je l’espère —, la « gravité » du petit garçon sera le fil rouge de l’histoire, qui fera que nous resterons toujours entre deux sensations diffuses.

Zorro et Charlie Chaplin fait partie de ce choix de ne pas ancrer le film dans une époque trop contemporaine. Que l’imaginaire du garçon — et du nôtre par la même occasion — puisse voyager dans un autre temps. Pour certains spectateurs, Zorro rappellera leur propre enfance ; pour les autres, leur donnera une sensation d’ailleurs, d’autre chose.

La lumière du film sera très différente suivant les séquences. Le générique, avec un pastiche de Zorro, sera d’un noir et blanc suranné ; la séquence d’action de Zorro dans l’auberge sera en couleurs passées, avec un grain épais. Quand nous traiterons de la réalité, l’image sera plus douce, plus neutre.

Peu à peu, on comprendra que le garçon qui ne sourit pas à une bonne raison de repousser le moment de rentrer chez lui. Le spectateur sera amené à réviser ce qu’il a vu et compris, s’apercevra que la réalité est tout autre. Plus la fin approche, et plus l’atmosphère sera pesante.

Quand, à la fin de toute cette histoire, le petit garçon mettra son costume de Zorro, nous le suivrons et nous saurons, sans le voir à l'écran, ce qu'il se passe dans sa tête et ce qu'il imagine. Et nous le regarderons, je l'espère, avec tendresse, comme le regarderont les personnages qu'il croisera et qui savent qu’il est Zorro.
Et qu'il n’a peur de personne.

Joel Olivier


Générique en noir et blanc
(Une chanson ressemblant beaucoup au générique du feuilleton Zorro)

1. Extérieur. Jour. Ciel orageux.
Une abbaye.
Un cheval scellé se tient sous une fenêtre.
Un homme jeune ouvre la fenêtre. Il porte une cape noire, un chapeau noir, et un masque noir. C'est Zorro.
Il enjambe le rebord et saute sur le cheval.

1bis. Extérieur. Jour. Ciel orageux.
Zorro galope sur le chemin de terre d'une belle forêt.
Un lapin détale en quatrième vitesse.
On voit Zorro s'éloigner sous les grands arbres
d'une forêt domaniale.

1ter. Extérieur. Jour. Ciel orageux.
En fond, une colline, un château fort.
Sur les pans de la colline, Zorro sur son cheval.
Le cheval se cabre.
Un éclair zèbre le ciel.

S'inscrit sur cette image le titre du film :
Plus tard, je serai Zorro


2. Intérieur. Jour. Une salle de classe. CM2.
Un déguisement de Zorro est suspendu à une patère. Le plan s'élargit sur un alignement de costumes d'enfants.
On remonte lentement une allée de la salle de classe.
(Au fur à mesure de l'avancée, la chanson du générique s'éloigne)

Les élèves regardent un film vidéo à la télévision. C’est « Les lumières de la ville» de Charlie Chaplin ; la scène du combat de boxe. Charlot se cache derrière l’arbitre. Il met un coup de poing à son adversaire, puis retourne se cacher derrière l’arbitre.
Les enfants rient.
Derrière la télévision, le bureau de l'institutrice. Une jeune femme lit un livre, prend des notes.

Plein cadre : L’adversaire de Charlot se met devant l’arbitre. Charlot va pour lui donner un coup de poing, l’autre se baisse, l’arbitre prend le coup de poing en pleine poire.
Les enfants rient.

…Int. Salle de classe.
On prend la seconde allée et on se dirige vers le fond de la classe.
On s'approche de l'avant-dernière table.
On s'arrête sur Romain, huit ans. Les bras croisés, il regarde au-dehors. Il ne sourit pas.

Romain (off)
Je m'appelle Romain.

3. Intérieur. Jour. Hôpital. Couloir de maternité.
On avance dans un couloir.
On croise une infirmière. On aperçoit une chambre, avec une mère alitée.
Un berceau, des pleurs, un nounours.

Romain (off)
Je suis né de mère française et de père inconnu. Pendant longtemps, j'ai cru que personne n'avait connu mon père. En fait, ma mère l'avait bien connu, et pendant un temps assez court, ils furent même assez proches.

4. Intérieur. Jour. Une chambre d'enfant.
La mère de Romain (Colette) crie, lève les bras au ciel.
Romain, de dos (cinq ans), se fait engueuler comme du poisson pourri.
Elle lui montre les jouets sur le sol, sa chambre en désordre, elle ramasse et jette violemment les jouets dans un coffre.

Romain (off)
Il paraît que ma mère a beaucoup crié pendant l'accouchement. Mais moi, je sais que ce n'est pas à cause de l'accouchement, car elle a continué à crier sur moi bien après le jour de ma naissance.

5. Intérieur. Jour. Un grand salon.
Une femme de soixante ans, Tante Pauline, et Romain (10 ans), sont habillés en dimanche. Tante Pauline dit de se dépêcher.

Romain (off)

Tous les dimanches, ma Tante Pauline m’emmène à l’église.

6. Extérieur. Jour. Une place d'un petit village.
Ils arrivent devant l'église.

Romain (off)
Le seul souvenir qu'il me reste de la messe est le jour où j'ai fait pipi dans ma culotte en priant pour que personne ne s'en aperçoive.

7. Intérieur. Jour. Eglise.
Tante Pauline et Romain sont assis sur un banc.
Le curé dit la messe.
Romain a le visage contracté. Il jette un regard au beau-père. Il serre ses jambes tant qu'il peut. Il regarde autour de lui, cherche une issue à cette envie intenable. Puis on voit une petite flaque qui se forme sous le banc.

Romain (off)
Le curé m'avait dit un jour que Dieu voyait tout et je me demandais quel était son intérêt de me voir faire pipi sous un banc d'église. L'église était sa maison — du moins, c'est ce que disait le curé — et c'est vrai que je n'aurais pas aimé qu'on vienne pisser dans ma chambre.

Derrière Romain, une fillette de 7 ans, Lucie. Elle porte des lunettes et un appareil dentaire. Romain tourne la tête. La fillette le regarde, avec un sourire idiot.

Romain (off)
Lucie aussi m'avait vu. Non pas qu'elle voyait tout, mais elle était assise juste derrière moi.

8. Intérieur. Jour. Salle de classe. CM2.
Toujours le film à la télévision. Charlot a une fine corde autour du cou. A chaque fois qu’il va vers le centre du ring, la corde se tend et fait sonner la cloche de fin de round. Aussitôt, il va se rasseoir.
Les enfants rient aux éclats.

On est sur Romain à sa table, qui ne rit toujours pas : Il dessine grossièrement un vélo sur une feuille.

Romain (off)
Mon oncle Léon, c'est l'hurluberlu de la famille.

9. Extérieur. Jour. Une ferme dans la campagne.
Une remise est ouverte. A l'intérieur, un établi, des perceuses, des outils, un bric-à-brac d'objets en bois.

Romain (off)
Son passe-temps, c'est la menuiserie. Il fabrique un peu ce qui lui passe par la tête. Un jour, il a même construit un vélo tout en bois.

Devant le garage, toute la famille est réunie : Colette la mère, Robert le beau-père aux joues rouges, Maurice le grand-père, Tante Pauline, le curé, et Romain.
Oncle Léon sort du garage, poussant son vélo à la main, fier de son oeuvre.
Il présente son vélo en bois devant la famille en rang d'oignon. La famille applaudit. Il monte sur le vélo.

Oncle Léon
L'heure de vérité a sonné.

Il se met à pédaler, part en zigzag.

Tante Pauline
Ne va pas trop loin !

Colette
Tu crois que des freins en bois, ça fonctionne ?

Oncle Léon s'éloigne sur la route et prend de la vitesse

Grand-père Maurice
Il ne devrait pas prendre trop d'élan, après, il y a la descente.

Oncle Léon roule à fond

Oncle Léon (au loin)
Ça maaaarche!!...

Il s'arrête de pédaler.

Grand-père Maurice
Qu'est-ce qu'il fait ?

Toute la famille regarde, essaie de voir ce qui se passe.

Le curé
Ça n'a pas l'air de freiner !

On voit, au loin, Oncle Léon qui a posé ses deux pieds par terre pour freiner, mais il roule toujours aussi vite.

Robert
Il n'a pas mis de freins, le con !

Tante Pauline

Holala !!! Il va arriver à la descente de Saint-Julien !!!

Au loin, Oncle Léon disparaît.


Colette
Ça y est, il l'a prise !!

La route est vide. La famille regarde, incrédule, la route déserte.

Romain (off)
C'est la dernière fois que l'on a vu Oncle Léon vivant.

On se rapproche du grand-père Maurice. On est sur lui.

10. Intérieur. Jour. Salle de classe. CM2. (En fond, le film).
Romain, le coude sur la table, la tête posée sur sa main, regarde au-dehors.

Romain (off)
Mon grand-père Maurice, lui, c'est un poète. Il donne un nom à chaque étoile.

11. Extérieur. Une nuit étoilée. Une maison dans un village.
Au fond du jardin, une grande table avec une dizaine de personnes.
Une lampe à pétrole illumine la table. Les convives discutent (on entend vaguement des bribes de paroles).
Devant la maison, Grand-père Maurice est assis sur le perron. A ses côtés, Romain.
La nuit est belle, les étoiles scintillent. Au loin, la campagne endormie.
Maurice montre du doigt les étoiles.

Grand-père Maurice
Tu vois, cette étoile ? C'est Marylin Monroe ! Celle-là, c'est Ava Gardner! L'autre là-bas, c'est Gary Cooper !

Romain (off)
D'autrefois, pour changer, il dit que les étoiles sont le bout de leurs cigarettes allumées.

Romain suit le doigt.

Grand-père Maurice
Quand tu vois une étoile filante, c'est Humphrey Bogart qui jette son mégot. La lune, c'est Groucho Marx et son gros cigare.

Un éclair zèbre le ciel.

Grand-père Maurice
Ha! un éclair! ça, c'est les flashs d'un appareil qui prend Rita Hayworth en photo.

Le tonnerre retentit.

Grand-père Maurice
Et le tonnerre,.. c'est Fred Astaire qui fait des claquettes.

Soudain, des trombes d'eau. Les convives courent autour de la table et débarrassent en toute hâte les plats. Des cris fusent. Romain et Grand-père Maurice entrent se mettre à l’abri.

Romain (off)
Par contre, je n'ai jamais su à quoi correspondaient les trombes d'eau qui nous tombaient dessus, car il nous fallait toujours rentrer en quatrième vitesse.

12. Intérieur. Jour. La salle de classe. CM2.
Le film de Charlot se termine.

Plein cadre, noir et blanc :
La jeune aveugle accroche une rose au revers de la veste de Charlot. Elle reconnaît au toucher le riche qui lui a permis de retrouver la vue. Charlot a un sourire gêné.

On est sur Romain.

Plein cadre, noir et blanc : L’institutrice accroche une rose au revers du blouson de Romain. Romain hume le parfum de la rose et demande à l’institutrice si elle a retrouvé la vue. Le rond se rétrécit sur le visage de Romain qui exprime un sourire plein d’amour. Le mot fin apparaît.
On revient à la classe :

L'institutrice
Il nous reste une demi-heure. Nous allons faire une petite rédaction.

Certains enfants soupirent.

L'institutrice
Vous allez me décrire votre héros préféré. Pourquoi vous l’aimez. Ce peut être un héros de film, d’un livre, d’une bande-dessinée. Je vous laisse le choix. Laissez libre cours à votre imagination.

Les élèves prennent une feuille, un stylo.
Romain regarde le ciel par la fenêtre. Dans le ciel passe un avion.

Même cadre : Il fait nuit. Le même avion, avec des lumières clignotantes.
Le cadre s'élargit : La classe est sombre. Grand-père Maurice est à côté de lui. Il désigne l'avion.

Grand-père Maurice

Tu vois les trois petites étoiles qui clignotent là-bas ? La rouge ! la verte! (un temps)…Ha ! non ! Ça, c'est un avion (il fait un sourire à Romain)

On revient à l'image précédente. Le ciel est bleu. Il n'y a plus d'avion. Romain regarde toujours au-dehors. L'institutrice marche dans l'allée. Elle s'approche de lui.

L'institutrice
Tu n'écris pas ?


Romain la regarde. Aucune émotion ne perce sous sa carapace.

Romain
Si. Je réfléchis à ce que je vais écrire.

Elle lui sourit, continue sa route.
Romain se retourne, regarde la fillette à la table derrière lui. C'est Lucie, avec son appareil dentaire et ses lunettes (Vue précédemment derrière Romain à l'église)
Derrière Lucie, on aperçoit, suspendu à une patère, le déguisement vu au début du film, déguisement composé d'une cape noire, d'un masque noir, d'un chapeau noir et d'une épée. Romain regarde le déguisement. Il prend son stylo et commence à écrire.

Romain (off)
Plus tard, je serai Zorro.

13. Intérieur. Jour. Une porte en bois.
Zorro est face à une porte en bois.
Il donne un coup de pied dedans. La porte s'ouvre d'un coup. Il entre dans une cuisine : de la paille par terre, un vieux tromblon accroché au mur en pierre, des poules qui se promènent.
Apparaît alors Sergent Garcia, les joues rouges couperosées et l’air ahuri. On reconnaît sous le maquillage le beau-père.

Sergent Garcia (il bafouille)
Mais… qu'est-ce... que....

Zorro lui assène un coup de poing dans la figure qui l'envoie valser. Il est projeté contre un buffet qui explose sous son poids. Zorro s'approche, tire son épée, et trace avec la lame un R sur la chemise du sergent.

14. Intérieur. Jour. La salle de classe.
Romain regarde l'institutrice.

Romain (off)
Mais surtout, je sauverai Mademoiselle Réjane.

Il se remet à écrire.

15. Intérieur. Jour. Un salon
Zorro sort de la cuisine et entre dans un salon. L'institutrice, vêtue d'une robe de taffetas, est ligotée sur une chaise. Elle gigote de façon grotesque. Un brigand édenté et au visage couvert de suie la garde prisonnière.
Zorro saute sur une table, saisit un lustre qui le projette en avant. Il envoie ses pieds dans la tronche du brigand, qui va s’encastrer dans le mur. Un tableau se décroche et finit de l’assommer.
Zorro se laisse tomber devant l'Institutrice. Il lui coupe ses liens d’un seul coup d'épée.

16. Intérieur. Nuit. Un donjon.
Zorro monte l'escalier d'un donjon en tenant l'Institutrice par la main. Ils arrivent au sommet.

17. Extérieur. Nuit. Haut du donjon.
Face à eux, la vallée à perte de vue. La lune les éclaire d'une belle lumière nacrée. Zorro enlève son chapeau, ôte son masque. C'est un beau jeune homme.

L'institutrice (stupéfaite)
Romain !!!!

Zorro la prend dans ses bras, pose ses lèvres sur les siennes.
Une sonnerie retentit. Zorro se retourne pour voir d'où ça vient.

18. Intérieur. Jour. Salle de classe.
Toujours la sonnerie. Les élèves se lèvent, tout en rangeant leurs affaires.

L'institutrice
Déposez vos devoirs sur la table en sortant.

Les élèves quittent la classe dans un brouhaha.
Romain range lentement son cartable, puis se dirige vers le bureau. Il est le dernier. Il dépose sa feuille sur la pile de devoirs.

L'institutrice
J'espère que ta rédaction sera aussi bien que les précédentes. Tu es doué, tu sais. Tu devrais d'ailleurs écrire un journal. Ou des poèmes. Si tu veux, tu peux même me les montrer et je te dirai ce que j'en pense, d'accord ?

Romain hoche la tête.
L'institutrice glisse les devoirs dans sa sacoche.
Romain regarde un livre posé sur le bureau (celui qu'elle lisait au début).

L'institutrice
C'est un livre de linguistique. C'est encore un peu tôt pour toi.

Romain
Je peux le regarder ?

L'institutrice
Bien sûr.

Il ouvre le livre au hasard, son regard se pose sur une phrase.
Il lit à haute voix, assez lentement :

Romain
« Palindrome » mot ou expression présentant la même série de lettres, qu'il soit lu à l'endroit ou à l'envers. Exemple : « Et la marine va, papa, venir à Malte ».

Il regarde la phrase, perplexe.

Romain
Et ça donne quoi, à l'envers ?

L'institutrice
« Et la marine va, papa, venir à Malte. »

Romain
Ça, c'est la première phrase.

L'institutrice
Oui, c'est la même phrase, mais à l'envers.

Romain
Et c'est la même chose ?

L'institutrice
Oui.

Romain
Et à quoi ça sert de la dire à l'envers si c'est la même chose ?

L'institutrice
Ça sert à rien, mais on appelle ça un palindrome.

Il tourne le livre à l'envers, regarde le résultat.
L'institutrice sourit.

L'institutrice
Non. En fait, il faut lire la phrase de gauche à droite, puis de droite à gauche. Et c'est la même chose.

Il remet le livre à l'endroit et essaye de lire de droite à gauche.

Romain
Et..la....ma...ri...ne..va....pa....pa...ve..ni.r...à..maaal...te.

L'institutrice
Et ça donne la même phrase.

Il hoche la tête. L'institutrice le regarde. Elle aperçoit un bleu sous le col de sa chemise.

L'institutrice
Qu'est-ce que tu t'es fait ?

Romain
Je suis tombé.

L'institutrice le regarde. Elle se baisse pour se mettre à sa hauteur.

L'institutrice
Tu sais, si quelqu'un te frappe, il faut le dire. Il ne faut pas avoir honte. Personne n'a le droit de te frapper.

Romain
Je suis tombé.

Elle se relève. Elle prend le bouquin, le range dans sa sacoche.

L'institutrice
Il faut que tu rentres, maintenant.

Romain hoche la tête.

Romain
Je peux prendre mon déguisement pour chez moi ?

L'institutrice
C'est pour la fête de l'école, tu sais bien.

Romain reste sans rien dire. Il attend. Elle le regarde.

L'institutrice
Tu peux le prendre pour le week-end, mais tu le ramènes lundi, d'accord? Et tu ne dis rien à personne.

Romain va chercher son déguisement, le met dans son cartable, puis sort.

19. Intérieur. Jour. Couloir d’école.
Un jeune homme entre. (On reconnaît le Zorro de son histoire). L'institutrice lui sourit.
Romain se retourne. Il voit le jeune homme embrasser la jeune femme.
Dans les séquences qui suivent, l’atmosphère change (l’ambiance sonore donne une impression de gravité)
Romain prend le couloir, passe devant un bureau. Un homme, la cinquantaine en sort. (on reconnaît le Grand-père Maurice).

Romain
Bonsoir Monsieur le directeur.

Le directeur lui fait un gentil sourire, puis continue sa route.

Romain descend les escaliers.
Il croise une femme de ménage, qui passe la serpillière. (On reconnaît la Tante Pauline).

La femme de ménage
Attention, ne passe pas où c'est mouillé !

Romain fait un écart. La femme continue de laver le sol.
Il est dans le hall d'entrée de l'école.
Le concierge appuie sur un bouton pour lui ouvrir la porte. (On reconnaît le brigand édenté). Romain sort.

20. Extérieur. Jour. Une rue.
On passe devant une boulangerie. A l'intérieur, le boulanger. (On reconnaît le curé de l'église)

On est sur Romain. Il est déguisé en Zorro. Il regarde le boulanger, puis continue sa route. Il marche dans la rue d'un faubourg d'une petite ville. Il arrive sur une petite place où stationne un car scolaire. Il monte dans le car.

21. Intérieur. Jour. Le car.
Il remonte l'allée. Sur son passage, des vannes du genre : « Hé ! Zorro ! t'as oublié ton cheval ? » « Déconne pas, c'est Zorro! ». Des rires fusent. Romain reste impassible.

22. Intérieur. Jour. Le car.
Le car roule sur une route de campagne. Le paysage défile.
Romain, déguisé en Zorro, est assis sur une banquette, seul. Il est tendu. Devant lui, des fillettes se retournent et rient de lui. Parmi elles, Lucie le regarde sans se moquer.
Le car s'arrête, il se lève, remonte l’allée sous les quolibets. « Hou, j’ai peur, c’est Zorro ». Il descend.

23. Intérieur. Jour. Le car.
Le car repart.
A une fenêtre du car, Lucie le regarde avec attention.
Romain soutient un instant son regard, puis se détourne et prend un chemin de terre.
Il passe devant une ferme. Un type sur un vélo le dépasse et s'arrête devant la ferme. Il descend de vélo. (On reconnaît Oncle Léon).

Monsieur Léon
Bonjour, Romain !

Romain
Bonjour, Monsieur Léon.

Monsieur Léon
T'as un beau déguisement, dis donc !

Romain continue sa route. A la vue de la maison suivante, il ralentit. Il s'arrête devant le portail. Il marque un temps d’arrêt. Il pousse lentement la porte. Elle grince. Il reste un instant devant le portail ouvert. Il inspire, puis emprunte le chemin dallé et gravit le perron. Il s’arrête à nouveau devant la porte. Enfin, il entre.

24. Intérieur. Jour. Maison.
Son beau-père (Robert), en Marcel, est avachi dans un fauteuil. (On reconnaît Sergent Garcia). Il regarde la télévision. Il a un air mauvais. Visiblement, il a bu.

Robert
C'EST QUOI CE DEGUISEMENT A LA CON ??

Il le dévisage, agressif.

Robert
TU M'ENLEVES ÇA TOUT DE SUITE ET TU VAS DANS TA CHAMBRE !!

Romain le fixe / On reste un temps sur Romain.

25. Intérieur. Jour. Une cuisine
On reconnaît la cuisine de la séquence de Zorro, sauf que là, les murs sont jaunes et le mobilier en Formica. Robert, Colette (la mère), et Romain dînent dans la cuisine. Un plat de pâtes trône au milieu de la table, une bouteille de rouge est placée près de l'assiette du beau-père. Une certaine tension règne dans la pièce. Robert tient entre ses mains le livret scolaire de Romain.

Robert (mauvais)
Regarde-moi ça! Non mais qu'est-ce que tu vas faire plus tard avec des notes pareilles!!!

Romain
Plus tard, j'écrirais des pièces de théâtre.

Robert
C'est ça. Et moi, je serais chanteur d'opéra! Alors, tu fais un métier sûr, et après, tu feras ce que tu voudras! D'accord ?

Romain ne dit rien.

Robert
Je vais t'expliquer, tu vas comprendre. Tu fais menuisier, tu construis des planches, tu les assembles, et après, si tu veux, tu peux monter dessus.

Romain
Je ne crois pas que les gens vont au théâtre pour voir un menuisier sur la scène.

Robert lui balance une claque retentissante.

Robert
Je n'aime pas les petits insolents.
Ton repas est fini, va dans ta chambre.

Romain soutient le regard de son beau-père, puis se lève et quitte la pièce.

26. Intérieur. Nuit. Les escaliers.
Romain monte lentement les escaliers.

27. Intérieur. Nuit. Chambre de Romain.
Romain est couché dans son lit.Venant du rez-de-chaussée, on entend une dispute très violente entre Robert et Colette. Des bris de verre. Des insultes. Romain ne bouge pas. Il subit.

28. Extérieur. Nuit. Devant la maison.
La porte s'ouvre. Le beau-père sort, en état d’ébriété. Il claque la porte. Il remonte l’allée, ouvre le portail et prend le chemin de terre.

29. Intérieur. Nuit. Chambre de Romain.
Romain est assis sur son lit.

30. Intérieur. Nuit. Salon.
À la télévision, la mère regarde une série américaine à l’eau de rose. Les deux personnages se disent qu'ils s'aiment, qu'ils sont faits l'un pour l'autre et tout le tralala sur une musique sirupeuse. La mère est émue. Elle rêve elle aussi. Chacun son rêve.

31. Intérieur. Nuit. Chambre de Romain.
On retrouve Romain, dans la même position. On entend hennir un cheval. Romain saute de son lit et se précipite à la fenêtre, qu’il ouvre.
En face, Zorro apparaît sur l’arête d’un mur. Il saute sur son cheval. (Zorro a pris maintenant l’apparence d’un Romain « adulte »). Il donne un coup d'éperon, le cheval se cabre, puis il part au galop. Il s'éloigne au cœur de la nuit.
On est sur Romain, à sa fenêtre. Il regarde au loin, vers où Zorro est parti.
On reste un instant sur Romain.

32. Extérieur. Nuit. Forêt.
Zorro, à cheval, galope sur un chemin de terre. Un éclair zèbre le ciel.
Le beau-père ivre marche en titubant sur le bord du chemin.
Le cavalier masqué passe en trombe. Les sabots du cheval frappent une flaque d'eau qui éclabousse le beau-père. Le beau-père se retrouve couvert de boue.

Robert
Non, mais il est con, lui !

Zorro s'éloigne dans la nuit étoilée.

33. Intérieur. Nuit. Chambre de Romain.
On est sur Romain, accoudé à la fenêtre. Un sourire hilare illumine son visage.