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Scenarios (ci-dessous)

1. Pourquoi pas Blanche-neige pendant qu'on y est ?
2. Plus tard, je serai Zorro

PRIX

Pourquoi pas Blanche-Neige pendant qu'on y est ?
(scénario de court-métrage)

— Prix de la Fondation Beaumarchais
— Premier prix / Concours national du scénario de court- métrage de L'Eure
— Grand Prix du meilleur scénariste de court-métrage / Festival du film français d’Albi
— Aide à la création de musique originale pour le court-métrage / Moulin d’Andé - Sacem
— Aide de la Région Provence Alpes-Côtes d’Azur.
— Aide du département de l’Eure

Plus tard, je serai zorro
(scénario de court-métrage)

— Prix de la Fondation Beaumarchais
— Prix du meilleur scénario - Festival du film court de Lille
— Aide de la région Champagne-Ardennes
— Aide de la région Nord Pas-de-Calais
— Aide à la création de musique originale pour le court-métrage / Maison du film court - Sacem

Rendez-vous au paradis
(scénario de long-métrage)

— Prix de la Fondation Beaumarchais
— Prix Thot Fiction
— Résidence d’écriture au Centre d’Ecriture Cinématographique du Moulin d’Andé-CECI

Pourquoi pas Blanche-Neige pendant qu'on y est ?

Synopsis

Lucie, 7 ans.
Des parents compréhensifs,
Une vie paisible,
Une maîtresse compétente,
Et pourquoi pas Blanche-Neige, pendant qu'on y est ?

Note d'intention

Pour écrire cette histoire, je suis parti de la citation du poète Fernando Pessoa qui disait : « On a tous deux vies. La vraie et la fausse. La vraie, celle que l'on rêve quand on est enfant. Et la fausse, celle que l'on vit tous les jours »

Il s'agit d'une petite fille dont la vision du monde n'est pas, mais alors pas du tout, en adéquation avec le monde qui l'entoure.

Nous verrons la puissance du rêve pour une enfant qui ne souhaite qu'une seule chose : devenir grande tout de suite, immédiatement, et en finir au plus vite avec ce prétendu paradis de l'enfance.

Nous naviguerons entre son réel et son imaginaire. Ses envies (partir sur la lune voir s'il y a des martiens) et la dure réalité (le tuyau de poêle qui forme la fusée ne tient pas le choc face aux pétards du cousin farfelu).

Nous verrons dans ce film une enfant en rébellion tenter de vivre une autre vie que la sienne grâce à un imaginaire débordant de fantaisie. Elle se démènera pour exister face à sa condition de "petit" et dire à sa façon ce qu'elle pense de la vie des adultes.

Bien sûr, nous, en regardant son monde, on rira. Mais, elle, que l'on puisse se moquer de sa condition, ça ne la fait pas rire du tout.

Avec son énergie et son imagination, elle serait grande, elle ferait changer le monde en deux coups de cuillère à pot.

On pourrait bien évidemment lui dire la citation de Fernando Pessoa. Essayer de lui expliquer. Mais à quoi bon. De toute façon, elle n'écoute rien. Et c'est aussi bien comme ça. Laissons-la s'imaginer son univers. Qui sait, peut-être fera-t-elle partie des rares enfants qui vivront plus tard leurs rêves et qui changeront un tant soit peu le monde autour d'eux.

Pour ce qui est du traitement, il sera rapide, alerte, parfois drolatique. Les scènes poétiques et oniriques seront toujours teintées d'humour.

Les parents de cette petite fille ne sont pas de mauvais parents. Ils ne comprennent tout simplement pas la façon dont fonctionne leur enfant ; ils essaient tant bien que mal de l'éduquer à leur manière. Et même si entre eux, ce n'est plus l'amour d'antan, ils seront unis tels des parents exemplaires devant l'institutrice et lui assureront leur soutien face à cette personnalité enfantine qu'ils ont du mal à maîtriser. Cette hypocrisie sera d'autant plus difficile à admettre pour une enfant qui a autant de lucidité sur le monde. Si même ses parents mentent et ne sont pas là pour la défendre face à l'adversité, alors, elle est vraiment seule au monde. C'est le seul instant où le temps paraîtra "suspendu" - le seul instant où la petite fille paraîtra désarmée.

Mais rassurons-nous, sa propension aux rêves la sortira de cette ornière. Pour s'échapper, elle ne verra qu'une seule et unique solution : devenir grande tout de suite, immédiatement. Et là, elle le sait, seule une fée pourra exaucer son voeu.

Pour finir, ce film parlera aussi de cinéma, avec des références à la « Belle et la bête », à « Cyrano », au Super 8, et surtout à Audrey Hepburn à laquelle la petite fille s’identifie. Et si je peux insérer un court extrait de « Vacances romaines », ce sera pour moi un immense plaisir.
Joel Olivier



1. Extérieur. Jour. Le matin.
Une vue d'un joli village, tôt le matin. Tout est encore calme. Un fleuve. Sur l'autre rive des grands arbres au bord de l'eau. Le soleil se lève a travers les feuillages. L'entrée du village. Une vieille gare de chemin de fer. Une école primaire vue de loin.

2. Extérieur. Jour. Ecole.
La cour de l'école vue d'en haut. Deux bancs sont installés face à un appareil photo sur trépied. Dans la cour, une vingtaine d'enfants s'amusent. Une petite fille saute à la corde. Deux garçons jouent à saute-moutons.

(Une voix grave, comme une présentation de film, off) : Il était une fois un monde merveilleux que l'on nomme l'enfance, peuplé de lutins farceurs et de gentils farfadets.

Dans un grand désordre, un homme installe les enfants sur les bancs. La première rangée s'assoit, la deuxième se tient debout sur le banc.

(Off) ... Un monde magique où règne l'innocence et la pureté...

Les enfants sont installés. L'homme va rapidement derrière son appareil. Il lance un « kiki! » sonore. Les enfants rient. Il prend la photo. Clac! L'image se fige.

3. Photo noir et blanc.
Sur la photo, tous les enfants sont hilares. Tous, sauf une petite fille, au bout du banc.

(off) ... Mais intéressons-nous plus particulièrement à l'un de ces petits angelots.

On se rapproche jusqu'au gros plan de la petite fille qui regarde l'objectif et qui ne rit pas du tout.

GENERIQUE / UNE MUSIQUE TRES ROCK :

4. Intérieur. Jour. Une chambre d'enfant.
On s'écarte de la photo, qui est accrochée au mur d'une chambre d'enfant. On arrive sur la petite fille dans sa chambre, qui monte sur un tabouret et qui se met devant un miroir... Sur le côté du miroir, des photos d’Audrey Hepburn.

Lucie, une petite fille de sept ans, est face caméra (elle se regarde dans un miroir). Elle fait des tas de grimaces, aussi laides les unes que les autres.

FIN DU GENERIQUE / LA MUSIQUE S'ARRETE :

Lucie fait une dernière grimace : un index de chaque côté de la bouche et qui l'écarte, les yeux qui louchent et la langue qui fait du bruit.
Elle redevient normale.

Lucie (off)
Quand je serai grande, je ferai chier tout le monde.

Un tableau noir. Ecrit en lettres blanches : Un film de...

Un verre d'eau apparaît dans le champ, tenu par une petite main. Elle balance l'eau sur le tableau. Le nom disparaît en dégoulinant.

5. Intérieur. Jour. Une chambre d'enfant.
Un sapin de Noël desséché.

Lucie (off)
A Noël, j'ai eu une poupée en bois.

Lucie sort une poupée, le cousin sort sort son costume de sorcier.

Lucie (off)
Mon cousin, lui, il a reçu un déguisement de sorcier.

6. Extérieur. Jour. Jardin.
Un garçon de dix ans, en costume de sorcier, plante un bâton dans la terre. Autour du bâton, un petit tas de bois.

Lucie (off)
On va jouer à l'inquisition, qu'il a dit. Ma poupée, il l'a appelée Jeanne d'Arc et il l'a brûlée.

Une poupée en bois calcinée. Un reste calciné de la robe de la poupée.

Lucie (off)
Deux jours plus tard, le Père-Noël, il est revenu. Il a repris le costume de sorcier et à la place, il a mis un costume d'astronaute.

7. Int. Jour. Salon.
Le cousin, dubitatif, déplie un costume d’astronaute argenté.

8. Int. Jour. Chambre de Lucie.
Lucie passe une robe neuve à la poupée, puis elle la coiffe avec ce qu'il reste des cheveux. Elle essaie de faire une coiffure.

Lucie (off)
Ma maman, elle n’était pas contente, parce que c'était une vieille poupée de grand-mère. Quand je lui ai demandé comment le Père-Noël avait eu la poupée de grand-mère, elle a marmonné quelque chose et puis elle est partie.

Elle regarde sa poupée avec sa coiffure grotesque.

Lucie (off)
Ma poupée non plus, elle n’était pas contente, vu qu'elle avait reçu un seau d'eau sur la tête.

9. Extérieur. Jour. Le jardin.
Lucie, un bonnet sur la tête, descend le perron, les mains dans son blouson.

Lucie (off)
A l'école, les autres, ils disent que le père-Noël n'existe pas. Mais moi, je sais qu'il existe.

Un arbre, dont le tronc est légèrement brûlé.
Lucie est sur une balançoire. L'anneau grince à chaque balancement.

10. Intérieur. Jour. Salon
Les parents portent les cadeaux.

Lucie (off)
La nuit de Noël, j'étais réveillée et je l'ai vu. Il était grand et brun, comme mon papa. Ma maman l'a vu aussi, puisqu'elle était derrière lui. Il exagère un peu quand même, le Père-Noël, il faisait porter les cadeaux à ma maman.

11. Extérieur. Jour. Le jardin.
En fond, la mère, la quarantaine, un tablier sur sa jupe, apparaît sur le perron.

La mère
Lucie, non, mais tu as vu l'heure ? Si tu loupes le car, tu te débrouilleras avec ton père pour t'emmener à l'école !...

12. Extérieur. Jour. Une route départementale.
Un car roule sur la route de campagne.

13. Intérieur. Jour. Car scolaire.
Lucie est assise à côté d'une vitre. Les vitres sont pleines de buée. Elle commence à dessiner sur la vitre.

Lucie (off)
J'aime pas l'école. On ne nous apprend pas ce que l'on a envie d'apprendre. J'ai dit à ma maîtresse : "Maîtresse, comment on écrit le mot « merde » ? Elle m'a mise dehors. Alors, depuis, quand j'ai envie d'aller dehors, je le lui redemande.
C'est pas comme ça que je vais apprendre à écrire.

Elle a fini de dessiner. On peut voir cela : (un dessin aux traits grossier du père qui fait la tête)

14. Extérieur. Jour. Un trottoir.
On suit (de dos) Lucie qui marche, un cartable sur le dos. Elle passe devant un panneau publicitaire qui vante le tourisme en Italie (Vue d'un beau paysage).
Elle se dirige vers l'entrée de l'école communale.

Lucie (off)
Maintenant, le mot « merde », cela ne marche plus. Il faudrait que j'en trouve un autre. Hier, mon papa, il a traité un chauffeur de taxi de gros con.

15. Extérieur. Jour. Ecole primaire.
(Plan d'une salle de classe de CE1 a travers une vitre) :
On voit Lucie lever le doigt. La Maîtresse lui donne la parole.

16. Intérieur. Jour. Un couloir dans l'école.
Lucie (de dos) marche dans le couloir.

Lucie (off)
Je pense que « gros con », c'est encore un plus gros mot que « merde », parce que, là, je dois aller chez le directeur.
J'aime pas l'école. Quand je serai grande, j'irai plus.

17. Intérieur. Jour. Chambre de Lucie.
Lucie met du rouge à lèvres à une photo d’Audrey Hepburn.

Lucie (off)
Mes parents, ils sont trotskistes...

Un poster de Mickey est collé sur l'armoire. Des ronds tracés au feutre forment une cible sur le visage. Trois fléchettes sont plantées dans la cible.
Lucie découpe la photo qu'elle a peinte.

Lucie (off)
Trotskistes, ça doit être un gros mot, parce que mon grand-père, il les traite de ça quand ils parlent de politique et qu'il s'énerve.

18. Intérieur. Nuit. Salon de la maison.
La mère est assise sur le canapé, dans une robe noire à petites fleurs bleues et blanches dessus. Le grand-père est installé dans un fauteuil. Le père, lui, essaie tant bien que mal d'enclencher une bobine sur un projecteur Super 8. Il porte un vieux T-shirt de travail taché d’anciennes traces de peintures.

La mère
Lucie, viens !... le film va commencer !

Lucie vient s'asseoir à côté de sa mère en traînant les pieds.

La mère
Ne traîne pas les pieds, s'il te plaît !

Lucie soupire.

Lucie (off)
Une fois par mois, on regarde des vieux films idiots, filmés avec la vieille caméra de Pépé.

La mère se tourne vers son mari.

La mère
Tu y arrives ?

Le mari s'énerve sur la pellicule qu'il a du mal à accrocher sur la bobine vide.

Le père
Putain, c'est le bordel, ce truc-là !

La mère
Je t'en prie ! Ne dis pas de gros mots devant Lucie !...

Il met en route l'appareil, la pellicule s'enroule. Il va rapidement s'asseoir sur le canapé. Des numéros et des ronds apparaissent sur l'écran. Le père pose sa main sur la cuisse de sa femme. D'un geste sec, elle lui prend la main et la ramène sur sa jambe à lui. Du coin de l'oeil, Lucie a vu le geste.

19. Sur l'écran (plein cadre) :
Sur une plage, le père a construit un magnifique château de sable. Il regarde vers la caméra, sourit. Il lève les deux bras pour montrer qu'il est le plus fort et sautille sur place comme un crapaud. Il s'arrête, prend une pose devant son chef-d'oeuvre. Derrière lui, Lucie s'approche du château. Elle prend une pelle et aplatit l'une des tours. Le père se retourne, pousse une gueulante. En deux pas, il est sur sa fille. Le cadre bascule en avant, puis Noir (Le grand-père a brusquement arrêté de filmer).
L'image suivante montre le père en train de rafistoler la tour et Lucie un peu plus loin qui pleure.

20. Intérieur. Nuit. Salon (idem)
A cette image, le père rigole. Lucie regarde l'écran en boudant.

Lucie (off)
Ça fait rire mon papa. Ça se voit que c'est pas sur lui qu'on a crié.

21. Sur l'écran (plein cadre) : La plage disparaît. Noir. Soudain, le cadre va dans tous les sens. La tête de Lucie apparaît. Elle regarde la caméra sous toutes les coutures, puis le cadre se dirige vers un tiroir ouvert d'une commode, entre dans le tiroir. Le tiroir se referme : Noir.
(On comprend que Lucie a pris la caméra dans le tiroir de ses parents, l'a mise en route sans le faire exprès, l'a regardée dans tous les sens et l'a remise dans le tiroir, alors qu'elle tourne encore).

Dans le salon : Les parents, d'un même mouvement, se tournent vers Lucie. Lucie continue de fixer l'écran noir. Seul le bruit du projecteur résonne encore dans la pièce. Pour Lucie, le temps qui s'écoule parait long. Très long.

22. Intérieur. Un restaurant grec. (Musique grecque)
Il n'y a pas grand-monde. Dans un coin, Lucie et ses parents sont attablés.

Lucie (off)
Tous les samedis, on va manger au restaurant. Toujours le même.

Dans un coin, sur une petite estrade en bois, deux musiciens grecs (en chemises blanches et gilets dorés) jouent du sirtaki sur des mandolines.

Le père
Ça te plaît ?

Lucie regarde d'un air maussade les musiciens grecs.
Les deux musiciens la regardent en souriant d'un air attendri.
Sur les murs, des photos de la Grèce.

Lucie (off)
Ça lui rappelle les vacances, qu'il dit mon papa.

Des statuettes grecques en plâtre.

Lucie (off)
L'été prochain, il veut retourner là-bas.
Comme ça, ça lui rappellera le restaurant, que je lui ai dit. Il a pas aimé.

Le père lui demande de retirer les coudes de la table.

23. Intérieur. Jour. Chambre de Lucie.
Lucie est à sa table, devant une feuille blanche.

Lucie (off)
Vivement que je sois grande. Comme ça, je ferais que ce que j'ai envie. Déjà, j'aurais les cheveux en chignon, avec une robe noire.

Elle dessine une fille aux cheveux frisés : (un dessin grotesque d'une fille aux cheveux frisées)

24. Image rapide : Une jeune fille de 20 ans apparaît, avec des cheveux en chignon et une robe noire. (Rf : Diamants du canapé)

Lucie, à sa table, gribouille le dessin.

Lucie (off)
Non. J'aurais les cheveux longs, avec une robe blanche.

Elle dessine une fille aux cheveux longs : (un dessin grotesque d'une fille aux cheveux longs)


Image rapide : La jeune fille de 20 ans apparaît avec les cheveux longs. Elle met deux doigts dans la bouche, l'écarte et se met à loucher (même grimace que Lucie-7 ans au début du film)

Lucie regarde le dessin, contente d'elle.

25. Intérieur. Jour. Chambre de Lucie.
Lucie est assise par terre. Elle trie des jouets.

Lucie (off)
Enfin, c'est pas encore. Pour l'instant, j'ai juste sept ans.

Sur le mur, l’affiche du film « Vacances romaines »
Sur la moquette, des cassettes-vidéos de vieux films.

Lucie (off)
Ma maman, pour mon anniversaire, elle m'a offert « la Belle et la Bête ».
Elle m'a dit que quand elle était petite, elle était amoureuse de Jean Marais, parce qu'il était beau et tout et tout.

Dans la chambre, un type recouvert de poils (comme dans le fameux film) surgit de nulle part.

La Bête
Bonsoir, ma belle !

Lucie le regarde avec des yeux ronds.

Lucie
Vous êtes Jean Marais ?

La Bête
Oui, c'est moi !

Elle n'en revient pas.

Lucie (off)
Ma maman, elle aime bien les poilus, comme papa. Mais quand même, à ce point, je trouve ça bizarre. (Elle va s'asseoir à sa table). Les grandes personnes, des fois, il faut pas chercher à comprendre.

Pendant ce temps, la Bête dit une tirade du film, avec la belle voix de Jean Marais. Elle se tourne vers lui.

Lucie
Et puis, lui, s'il pouvait se taire, ça serait pas plus mal.

26. Intérieur. Nuit. Chambre de Lucie.
Lucie est couchée. Sur le mur, une affiche de « Cyrano de Bergerac ».

Lucie (off)
Moi, la cassette que je préfère, c'est Cyrano de Bergerac. Même que des fois, le soir, il vient me voir.

La fenêtre est ouverte. Dehors, on entend une voix.

Cyrano (hors-champ)
Lucie !!

Lucie se lève, court à la fenêtre (La fenêtre est au premier étage). Elle regarde en bas et le voit (le visage est dans la pénombre).

27. Extérieur. Nuit. Jardin.
Il porte un chapeau de carnaval sur la tête, avec une plume et une cape en papier crépon. Il parle de façon théâtrale.

Cyrano
T'as vu mon nez ?? C'est un roc, c'est un pic, c'est un cap!
Que dis-je, c'est un cap...c'est une péninsule!

26 (bis). Intérieur. Nuit. Chambre de Lucie.
Lucie court se recoucher, puis regarde devant elle. Cyrano apparaît dans son habit de pacotille

Cyrano
Tu me reconnais ? Je suis Pinocchio de Bergerac
Et, de façon théâtrale, je dis des vers en vrac !

Lucie le regarde, le prend vraiment pour un farfelu.

Lucie
C'est pas Pinocchio...c'est Cyrano!

Il marche de long en large, fait des gestes amples, se prend pour un grand comédien.

Cyrano
Ah bon ? C'est pas Pinocchio qui a un long nez ?

Lucie
Mais non ! Lui, il a un long nez seulement quand il ment !

Cyrano
Et Cyrano ?

Lucie
Ben… Il l'a tout le temps !

Il s’arrête.

Cyrano
Et comment on sait quand il ment, alors ?

Lucie (espiègle)
Mais non, ça, c'est Pinocchio !

Cyrano
Et moi, je suis qui ?

Lucie
Cyrano !...

Il vient s’asseoir au bord du lit, écoute attentivement.

Lucie
Cyrano, il écrit des lettres d'amour a une fille sans lui dire que c'est lui qui les a écrites.

Il essaie de prendre le regard et la voix douce de Gérard Depardieu quand il fait le gentil :

Cyrano
Et pourquoi il lui dit pas lui-même ?

Lucie
Il pense qu'elle va rire parce qu'il a un grand nez.

Cyrano
Ça, il n'a qu'à pas mentir !

Lucie (elle crie presque)
Mais non, ça, c'est Pinocchio !

On entend de la chambre des parents, à côté : « LUCIE ! IL EST TARD ! DORS ! »

Cyrano
Hoo ! On peut rien faire ici ! Bon, j’y vais !!
Tu veux voir comment sort un grand comédien ?

Il sort par la fenêtre, se met sur l'échelle, prend une pose.

Cyrano
Et voilà !

On entend un craquement. Son sourire se fige. Il disparaît dans un fracas, suivi du bruit d'une chute dans les broussailles. Lucie rit.
Un « CHUUUUUUUUUTT ! » excédé retentit de la chambre des parents.

28. Intérieur. Jour. La chambre de Lucie.
Elle est face à la glace. Elle remonte ses cheveux.

Lucie (off)
Quand je serai grande, je serais actrice, mais une vraie. Pas comme l'autre. J'aimerais bien être comme Audrey Hepburn.

29. Extérieur. Jour.
Lucie-18 ans a un foulard sur la tête. (Rf : Charade) Elle regarde l'objectif, souriante. Elle pose devant une affiche publicitaire : c'est un paysage d'Italie, avec pour slogan : « L'Italie...Pensez-y »! (même affiche que page 10)

Lucie (off)
Non, j'aurai des lunettes noires.

La même image, mais elle a des lunettes noires en plus.

30. Extérieur. Jour. Jardin.
Lucie est assise sur les escaliers du perron.

Lucie (off)
En attendant, comme vous pouvez le voir, ma vie n'est pas très passionnante. Sauf une fois. Le jour où j'ai vu un extra-terrestre.

31. Extérieur. Nuit. Une rue. (Temps à l'orage, le tonnerre gronde).
Quatre personnes reviennent d'une fête déguisée. Une des personnes est
déguisée en extra-terrestre. Il a une combinaison verte. Deux petites trompes raides forment les oreilles. Il est complètement bourré.

Un fêtard
T'arriveras à retrouver ta maison ?

L'extra-terrestre (bourré)
T'inquiète !

Il laisse les autres, prend une rue. Il ouvre un portail, regarde la maison, réfléchit, referme le portail, repart en titubant. Il s'arrête devant le portail suivant, hésite, l'ouvre. Le portail grince.

32. Intérieur. Nuit. Chambre de Lucie.
Lucie saute de son lit, se précipite à la fenêtre. Au moment où elle regarde, un éclair illumine le jardin : l'extra-terrestre est éclairé pendant une seconde.

27 (idem). Extérieur. Nuit. Dans le jardin
Le type passe derrière un fourré, glisse et s'étale par terre. Il est tellement bourré qu'il n'essaie même pas de se relever. Il se met à ronfler.

33. Extérieur. Nuit. Fenetre de Lucie.
Lucie est à la fenêtre, regarde vers le fourré. Elle court se recoucher, toute excitée.

32bis. Extérieur. Nuit. Fenetre de Lucie.
Lucie est à la fenêtre, regarde vers le fourré. Elle court se recoucher, toute excitée.

35. Intérieur. Jour. Le matin. Dans la cuisine.
Les parents et Lucie viennent de prendre le petit-déjeuner. Le père lit son journal, en « Marcel », tandis que la mère lave les bols, dans un robe à fleurs roses.

Lucie
Cette nuit, j'ai vu un extra-terrestre.

Pas de réponse.

Lucie
Il était tout vert.

Pas de réponse

Lucie
Il s'est caché derrière la haie. Il y est peut-être encore. Tu veux venir le voir ?

La mère (au père)
Va voir son extra-terrestre !..

Le père
Tu vas pas t'y mettre, toi aussi ?

La mère
Hoo ! Tu peux bien lui faire plaisir pour une fois !

Le père soupire, replie journal.

Le père
Bon, il est où ?

36. Extérieur. Jour. Jardin.
Lucie s'approche à pas de loup. Elle écarte le fourré. Il n'y a personne.

Lucie
Il était là.

35 bis. Intérieur. Jour. Dans la cuisine.
Le père et Lucie entrent dans la cuisine.

La mère
Alors ? Il était comment, l'extra-terrestre ?

Le père reprend son journal, ne préfère pas répondre.

37. Intérieur. Jour. Chambre de Lucie.
Elle punaise une photo de soucoupe volante.

Lucie (off)
Il n'y a que mon cousin qui m'a crue pour l'histoire de l'extra-terrestre. Il voulait le voir lui aussi. Alors je lui ai dit qu'il avait qu'à aller sur la lune.

38. Extérieur. Jour. jardin.
Le cousin sort de la maison, vêtu de son costume d'astronaute, un casque sous un bras, une grande fusée sous l'autre - fusée faite d'un tuyau de poêle, d'un entonnoir et de différents accessoires. Lucie applaudit.

Lucie (off)
On a construit une fusée, avec des pétards et de la cendre de la cheminée dedans.

La fusée est maintenant debout, posée dans le jardin. Non loin de là, sous un arbre, le grand-père somnole dans un transat. Le cousin met son casque, puis sort une boite d’allumette.
Lucie crie, excitée : « VAS-Y, ALLUME LA MECHE ! »

Lucie (off)
On a fait le compte à rebours, puis il a allumé la mèche.

Une énorme pétarade à répétition dans une grosse fumée noirâtre. Le cousin court se mettre à l’abri.

Lucie (off)
La fusée, elle n’est pas allée loin.
Par contre, grand-père, il a fait un bond de trois mètres.

Le cousin retire son casque. Il a un sourire idiot. Lucie est morte de rire.

Lucie (off)
Quand il a dit que, s’il avait mis les pétards sous le fauteuil du grand-père, il serait allé encore plus haut, le Père-Noël, il est revenu en quatrième vitesse et il a repris le costume d'astronaute.

Le tuyau de poêle est explosé. L'entonnoir est à cinq mètres de là.

Lucie (off)
Par contre, cette fois, il n'a rien ramené. Il doit en avoir marre de faire l'aller-retour.

Le père sort de la maison, dans une colère noire. Le visage de Lucie se fige.

Le père (il crie, écarlate)
LUCIE ! C'EST QUOI, CE MERDIER !? RENTRE IMMEDIATEMENT !! »

La mère sort affolée, hystérique

La mère
LUCIE !! QU'EST-CE QUE TU AS ENCORE FAIT !!?? »

Le grand-père, assis par terre, à côté du transat renversé, regarde, hagard, le tas fumant.

39. Intérieur. Jour. Chambre de Lucie.
Elle est face à la glace.

Lucie (off)
Depuis, mes parents, ils veulent plus que je regarde la télé. Ça me donne des mauvaises idées, qu'ils ont dit. Alors, maintenant, c'est eux qui choisissent le programme.

La mère se penche à la porte, toute gentille.

La mère
Lucie, tu viens ? J'ai mis Bambi à la télévision.

Lucie (off)
Pourquoi pas Blanche-Neige pendant qu'on y est.

Elle se tourne vers la porte.

Lucie
Ouiiii...j'arriiiiive...(off :) J'espère que le chasseur, cette fois-ci, il ne va pas louper Bambi, qu'on n'en parle plus.

40. Intérieur. Jour. Salon.
A la télévision, Bambi. Bambi est avec sa mère. Il y a un écureuil. Lucie est dans son fauteuil. Elle regarde le film, d'un regard neutre et lointain. On reste un instant sur son regard. Elle s'ennuie.

Lucie (off)
Tout ça, c’était avant.

Bambi se balade dans la forêt. Un couple de hibou est sur une branche.

Lucie (off)
Parce que, après, il y a eu l’histoire avec le directeur.

Lucie regarde la télévision sans la voir.

Lucie (off)
Et j’ai plus eu droit à rien.

41. Intérieur. Jour. Couloir de l’école.
Le cousin et ses parents sont assis sur un banc, en face du bureau du directeur. Le cousin n’en mène pas large.

42. Intérieur. Jour. Bureau du directeur.
Le directeur est derrière son bureau. La maîtresse, les parents de Lucie, et Lucie sont assis sur des chaises, en face du bureau. La maîtresse est remontée. Les parents se font tout petits. Ils parlent tous de Lucie comme si elle n'était pas là.

Le directeur
Faire exploser un pétard dans une poubelle, c’est grave… très grave. Ils auraient pu mettre le feu à l’école.
De plus, elle se permet de dire des gros mots dans mon bureau, c’est inqualifiable. Vous comprendrez que nous ne pouvons pas tolérer ça.

Les parents hochent la tête, embêtés.

La mère
Je sais bien... Nous ne savons plus comment faire...

Le père approuve. La mère prend la main de son mari. (Nous sommes sur ce geste, qui est à l’opposé de ce que les parents font chez eux. Rf page 12). Du coin de l'oeil, Lucie voit ce geste.

La maîtresse
Votre fille est vraiment… sur une très mauvaise pente !!

La mère
Je sais. Je me demande où elle a appris tous ces gros mots. Ce n'est pas chez nous, en tout cas.

Le père
Ça non ! On ne le permettrait pas !

Lucie les regarde. On reste un instant sur ce regard d'une enfant qui découvre que ses parents mentent et qui l'enfoncent plutôt que de la défendre. Elle regarde de nouveau leurs mains unies et la belle image que veulent donner ses parents de leur couple. Son regard se pose ensuite sur le directeur avec son air sévère.

Le directeur
Ce que je vous conseillerais, c'est de consulter quand même un psychologue.

Plan subjectif de Lucie :
Ils sont tous les quatre en blouse blanche, avec un stéthoscope autour du cou. Ils la regardent comme une chose.

La mère (en blouse blanche)
Un psychologue ?!... Vous croyez ?

La maîtresse (en blouse blanche)
Au point où ça en est, ça ne pourra lui faire que du bien.

Lucie les regarde.

43. Int. Jour. Un couloir d'hôpital.
Séquence style série « urgences » : Lucie est sur un brancard. Trois infirmiers la poussent en courant dans un couloir : « Vite!!!...Emmenez-là au bloc !... Prévenez le psychologue !... » Une personne, à l'accueil, annonce au micro : « Le psychologue est demandé d'urgence au bloc!»

42bis. Intérieur. Jour. Bureau du directeur.
On revient sur Lucie : Elle n'écoute plus ses parents qui discutent de son cas
avec l’institutrice et le directeur. On les entend en fond sonore. Lucie est ailleurs. On reste un instant
sur le regard perdu de Lucie.
Elle regarde les murs du bureau. Des dessins d’enfants y sont accrochés : Une belle maison avec une cheminée qui fume et une belle route qui y mène (Thomas). Une grande fleur multicolore (Béatrice). Un grand parc avec plein d’arbres verts et bleu (Mélodie). Une femme entourée de feu et de flammes - on reconnaît l’institutrice grâce aux lunettes. (Lucie).

Lucie regarde le directeur qui continue sa diatribe sur elle.

44. Intérieur. Nuit. Chambre de Lucie.
Lucie est assise sur son lit (le dos collé contre le montant du lit et les jambes sous la couverture). La chambre est allumée. Elle regarde droit devant elle, les bras croisés.

Lucie (off)
Je ne veux pas aller chez le psychologue.

Elle reste fixe, l’air boudeur.

Lucie (off)
Pour ça, il faudrait que je sois grande tout de suite. Si je pouvais rencontrer une fée, pour qu'elle exauce mon voeu, ça serait bien.

Un coup de harpe. Une belle lumière éclaire la chambre. « Pouf ! ». Une jeune fille apparaît dans un petit nuage blanchâtre. Très belle, très douce, et d'un charme fou. Dans ses cheveux, des paillettes argentées.

La fée
Bonjour.

Lucie (Son air boudeur a disparu)
Vous êtes une fée ?!!

La fée
Oui.

Lucie
Si je fais un voeu, vous l'exaucez ?

La fée
Oui. Que désires-tu ?

Lucie
Je voudrais être grande !

La fée
Abracadabra. Pouf !

Elle lui a tapé gentiment sur la tête avec sa baguette.

La fée
Voilà ! Ton voeu sera exaucé.

Lucie attend. Elle regarde ses bras, son corps.

Lucie
Quand ça ?

La fée
C'est un voeu très difficile à réaliser, il faut du temps.

Lucie commence à froncer les sourcils.

Lucie
Combien de temps ?

La fée
Au moins dix ans.

Lucie la regarde d'un oeil noir. La fée lui sourit gentiment.

La fée
Il faut que je m'en aille.

Un sourire charmant. « Pouf ! ». Elle disparaît dans un nuage de fumée.
Lucie reste toute seule.

Lucie
Elle est nulle, cette fée !

Le plan s’élargit. Lucie a la tête baissée, triste. Elle se lève, va à la fenêtre.

Lucie (off)
Moi, de toute façon, dans dix ans, je dirai tous les gros mots que les grandes personnes ont le droit de dire.

45. Int. jour. Un jardin public.
Un monde enchanté où tout le monde parle en gros mots le plus naturellement du monde. Lucie-20 ans, souriante et gentille, est devant la petite roulotte d'un marchand de glace. Elle est coiffé avec une raie au milieu (Rf : Ariane)

Lucie-20 ans
Bonjour, gros con, je voudrais une glace au citron, s'il vous plaît !

Le marchand de glace (tout sourire, s'excuse)
Putain de bordel, j'en ai plus. Quel merdier !

Une jeune femme avec une poussette marche sur la pelouse. Un gardien avec un képi arrive.

Le gardien
Non mais c'est quoi ce bordel ?

A la terrasse d'un café, un serveur passe avec un plateau.

Le serveur
Quel est l’enfoiré qui a commandé un café ?

(33). Ext. Nuit. Fenêtre de la chambre de Lucie (1er étage).
On retrouve Lucie-7 ans à la fenêtre.

Lucie (off)
Et puis, j'irai à Rome...

46. Ext. Jour. Ensoleillé. Rome.
Un bel italien, sur un scooter, s'arrête le long d'un trottoir.

Lucie (off)
Et je ferai du scooter derrière un bel italien.

Lucie-20 ans est à la fenêtre d'une maison au mur jaune, au 1er étage. (même cadre que sq 33).

Le bel italien.
Bellissima ! E pericoloso sporgesi !...

Lucie-20 ans, tout sourire, disparaît de la fenêtre.
Une chanson de variété italienne enjouée commence....
Elle sort par la porte en courant, en robe blanche. Elle monte sur le scooter, derrière le bel italien qu'elle enlace.
Il démarre. Une voiture devant eux avance à deux à l'heure. Le bel Italien la double en l'injuriant.

Le bel italien.
Ma vaffanculo!...

Un bel italien qui dit des gros mots, le rêve. Lucie regarde la caméra toute sourire. On les regarde s'éloigner en scooter sur la chanson italienne.

47. Int. Nuit. Chambre de Lucie. (La chanson italienne s'arrête cut)
Lucie-7 ans, couchée dans son lit, s'est endormie, la lumière de sa chambre allumée.
La mère entre dans la chambre, s'approche du lit. Elle remonte délicatement les draps et la couverture jusqu'au menton de Lucie. Elle éteint la lumière.

48. Ext. Nuit.
Vue d'un joli village, sauf que là, il fait nuit et que tout le monde dort.
Une jolie musique classique commence.
La nuit est belle et étoilée. Une étoile filante traverse le ciel, de haut en bas et s’évanouit. Un instant. Le point lumineux réapparaît soudainement là où il a disparu et dessine une trajectoire en zigzags. Il passe devant nous et sort du champ.

47. Int. Nuit. Chambre de Lucie.
Lucie-7 ans, couchée dans son lit, est endormie. On s’éloigne lentement d’elle.
Un projecteur super 8 se met en route tout seul. On se tourne vers le mur blanc, où est projeté un petit film.

49. Film en noir et blanc : Remake de scènes de « Vacances Romaines, (avec Audrey Hepburn et Grégory Peck) Lucie-adulte est assise sur un scooter, derrière le bel italien, en costume gris. Ils roulent dans Rome.. NOIR

F i n / Début du générique

La jolie musique se joue encore un court moment. Soudain et en quelques secondes, un flot de musiques variées défile comme on tourne un bouton de radio. On s'arrête sur une chanson de variété italienne enlevée. On entend crier la mère : « LUCIIIE !!! »

Plus tard, je serai Zorro


Synopsis

Un enfant de huit ans se déguise en Zorro pour surmonter la peur de rentrer chez lui.

Note d'intention

J’ai choisi de parler de la peur que ressent un enfant face à un adulte qui le traître mal. Je ne souhaite pas parler de cette violence en elle-même (que l’on ne verra pas), mais de la façon dont l’imaginaire d’un enfant procède pour l’aider à trouver une échappatoire à cette situation dramatique.


Le monde que s'inventera le petit garçon de notre histoire sera drolatique, et prêtera éventuellement à sourire. Par contre, quand notre attention se portera sur cet enfant, on verra un enfant qui ne sourit jamais.


La mise en scène des deux mondes — imaginaires et réelles — sera très différente. Certaines scènes du monde imaginaire seront burlesques, avec un traitement rapide, ludique. Tout ce qui traitera de la réalité du garçon sera filmé avec plus de douceur et d’attention.

Je souhaite que ce film ait un côté intemporel ; les décors et les costumes ne seront pas d’une époque en particulier, un peu comme les classes d’une école communale qui ont su garder ce mélange improbable de rusticité et de modernité.

Même si on sourira tout au long du film — du moins, je l’espère —, la « gravité » du petit garçon sera le fil rouge de l’histoire, qui fera que nous resterons toujours entre deux sensations diffuses.

Zorro et Charlie Chaplin fait partie de ce choix de ne pas ancrer le film dans une époque trop contemporaine. Que l’imaginaire du garçon — et du nôtre par la même occasion — puisse voyager dans un autre temps. Pour certains spectateurs, Zorro rappellera leur propre enfance ; pour les autres, leur donnera une sensation d’ailleurs, d’autre chose.

La lumière du film sera très différente suivant les séquences. Le générique, avec un pastiche de Zorro, sera d’un noir et blanc suranné ; la séquence d’action de Zorro dans l’auberge sera en couleurs passées, avec un grain épais. Quand nous traiterons de la réalité, l’image sera plus douce, plus neutre.

Peu à peu, on comprendra que le garçon qui ne sourit pas à une bonne raison de repousser le moment de rentrer chez lui. Le spectateur sera amené à réviser ce qu’il a vu et compris, s’apercevra que la réalité est tout autre. Plus la fin approche, et plus l’atmosphère sera pesante.

Quand, à la fin de toute cette histoire, le petit garçon mettra son costume de Zorro, nous le suivrons et nous saurons, sans le voir à l'écran, ce qu'il se passe dans sa tête et ce qu'il imagine. Et nous le regarderons, je l'espère, avec tendresse, comme le regarderont les personnages qu'il croisera et qui savent qu’il est Zorro.
Et qu'il n’a peur de personne.

Joel Olivier


Générique en noir et blanc
(Une chanson ressemblant beaucoup au générique du feuilleton Zorro)

1. Extérieur. Jour. Ciel orageux.
Une abbaye.
Un cheval scellé se tient sous une fenêtre.
Un homme jeune ouvre la fenêtre. Il porte une cape noire, un chapeau noir, et un masque noir. C'est Zorro.
Il enjambe le rebord et saute sur le cheval.

1bis. Extérieur. Jour. Ciel orageux.
Zorro galope sur le chemin de terre d'une belle forêt.
Un lapin détale en quatrième vitesse.
On voit Zorro s'éloigner sous les grands arbres
d'une forêt domaniale.

1ter. Extérieur. Jour. Ciel orageux.
En fond, une colline, un château fort.
Sur les pans de la colline, Zorro sur son cheval.
Le cheval se cabre.
Un éclair zèbre le ciel.

S'inscrit sur cette image le titre du film :
Plus tard, je serai Zorro


2. Intérieur. Jour. Une salle de classe. CM2.
Un déguisement de Zorro est suspendu à une patère. Le plan s'élargit sur un alignement de costumes d'enfants.
On remonte lentement une allée de la salle de classe.
(Au fur à mesure de l'avancée, la chanson du générique s'éloigne)

Les élèves regardent un film vidéo à la télévision. C’est « Les lumières de la ville» de Charlie Chaplin ; la scène du combat de boxe. Charlot se cache derrière l’arbitre. Il met un coup de poing à son adversaire, puis retourne se cacher derrière l’arbitre.
Les enfants rient.
Derrière la télévision, le bureau de l'institutrice. Une jeune femme lit un livre, prend des notes.

Plein cadre : L’adversaire de Charlot se met devant l’arbitre. Charlot va pour lui donner un coup de poing, l’autre se baisse, l’arbitre prend le coup de poing en pleine poire.
Les enfants rient.

…Int. Salle de classe.
On prend la seconde allée et on se dirige vers le fond de la classe.
On s'approche de l'avant-dernière table.
On s'arrête sur Romain, huit ans. Les bras croisés, il regarde au-dehors. Il ne sourit pas.

Romain (off)
Je m'appelle Romain.

3. Intérieur. Jour. Hôpital. Couloir de maternité.
On avance dans un couloir.
On croise une infirmière. On aperçoit une chambre, avec une mère alitée.
Un berceau, des pleurs, un nounours.

Romain (off)
Je suis né de mère française et de père inconnu. Pendant longtemps, j'ai cru que personne n'avait connu mon père. En fait, ma mère l'avait bien connu, et pendant un temps assez court, ils furent même assez proches.

4. Intérieur. Jour. Une chambre d'enfant.
La mère de Romain (Colette) crie, lève les bras au ciel.
Romain, de dos (cinq ans), se fait engueuler comme du poisson pourri.
Elle lui montre les jouets sur le sol, sa chambre en désordre, elle ramasse et jette violemment les jouets dans un coffre.

Romain (off)
Il paraît que ma mère a beaucoup crié pendant l'accouchement. Mais moi, je sais que ce n'est pas à cause de l'accouchement, car elle a continué à crier sur moi bien après le jour de ma naissance.

5. Intérieur. Jour. Un grand salon.
Une femme de soixante ans, Tante Pauline, et Romain (10 ans), sont habillés en dimanche. Tante Pauline dit de se dépêcher.

Romain (off)

Tous les dimanches, ma Tante Pauline m’emmène à l’église.

6. Extérieur. Jour. Une place d'un petit village.
Ils arrivent devant l'église.

Romain (off)
Le seul souvenir qu'il me reste de la messe est le jour où j'ai fait pipi dans ma culotte en priant pour que personne ne s'en aperçoive.

7. Intérieur. Jour. Eglise.
Tante Pauline et Romain sont assis sur un banc.
Le curé dit la messe.
Romain a le visage contracté. Il jette un regard au beau-père. Il serre ses jambes tant qu'il peut. Il regarde autour de lui, cherche une issue à cette envie intenable. Puis on voit une petite flaque qui se forme sous le banc.

Romain (off)
Le curé m'avait dit un jour que Dieu voyait tout et je me demandais quel était son intérêt de me voir faire pipi sous un banc d'église. L'église était sa maison — du moins, c'est ce que disait le curé — et c'est vrai que je n'aurais pas aimé qu'on vienne pisser dans ma chambre.

Derrière Romain, une fillette de 7 ans, Lucie. Elle porte des lunettes et un appareil dentaire. Romain tourne la tête. La fillette le regarde, avec un sourire idiot.

Romain (off)
Lucie aussi m'avait vu. Non pas qu'elle voyait tout, mais elle était assise juste derrière moi.

8. Intérieur. Jour. Salle de classe. CM2.
Toujours le film à la télévision. Charlot a une fine corde autour du cou. A chaque fois qu’il va vers le centre du ring, la corde se tend et fait sonner la cloche de fin de round. Aussitôt, il va se rasseoir.
Les enfants rient aux éclats.

On est sur Romain à sa table, qui ne rit toujours pas : Il dessine grossièrement un vélo sur une feuille.

Romain (off)
Mon oncle Léon, c'est l'hurluberlu de la famille.

9. Extérieur. Jour. Une ferme dans la campagne.
Une remise est ouverte. A l'intérieur, un établi, des perceuses, des outils, un bric-à-brac d'objets en bois.

Romain (off)
Son passe-temps, c'est la menuiserie. Il fabrique un peu ce qui lui passe par la tête. Un jour, il a même construit un vélo tout en bois.

Devant le garage, toute la famille est réunie : Colette la mère, Robert le beau-père aux joues rouges, Maurice le grand-père, Tante Pauline, le curé, et Romain.
Oncle Léon sort du garage, poussant son vélo à la main, fier de son oeuvre.
Il présente son vélo en bois devant la famille en rang d'oignon. La famille applaudit. Il monte sur le vélo.

Oncle Léon
L'heure de vérité a sonné.

Il se met à pédaler, part en zigzag.

Tante Pauline
Ne va pas trop loin !

Colette
Tu crois que des freins en bois, ça fonctionne ?

Oncle Léon s'éloigne sur la route et prend de la vitesse

Grand-père Maurice
Il ne devrait pas prendre trop d'élan, après, il y a la descente.

Oncle Léon roule à fond

Oncle Léon (au loin)
Ça maaaarche!!...

Il s'arrête de pédaler.

Grand-père Maurice
Qu'est-ce qu'il fait ?

Toute la famille regarde, essaie de voir ce qui se passe.

Le curé
Ça n'a pas l'air de freiner !

On voit, au loin, Oncle Léon qui a posé ses deux pieds par terre pour freiner, mais il roule toujours aussi vite.

Robert
Il n'a pas mis de freins, le con !

Tante Pauline

Holala !!! Il va arriver à la descente de Saint-Julien !!!

Au loin, Oncle Léon disparaît.


Colette
Ça y est, il l'a prise !!

La route est vide. La famille regarde, incrédule, la route déserte.

Romain (off)
C'est la dernière fois que l'on a vu Oncle Léon vivant.

On se rapproche du grand-père Maurice. On est sur lui.

10. Intérieur. Jour. Salle de classe. CM2. (En fond, le film).
Romain, le coude sur la table, la tête posée sur sa main, regarde au-dehors.

Romain (off)
Mon grand-père Maurice, lui, c'est un poète. Il donne un nom à chaque étoile.

11. Extérieur. Une nuit étoilée. Une maison dans un village.
Au fond du jardin, une grande table avec une dizaine de personnes.
Une lampe à pétrole illumine la table. Les convives discutent (on entend vaguement des bribes de paroles).
Devant la maison, Grand-père Maurice est assis sur le perron. A ses côtés, Romain.
La nuit est belle, les étoiles scintillent. Au loin, la campagne endormie.
Maurice montre du doigt les étoiles.

Grand-père Maurice
Tu vois, cette étoile ? C'est Marylin Monroe ! Celle-là, c'est Ava Gardner! L'autre là-bas, c'est Gary Cooper !

Romain (off)
D'autrefois, pour changer, il dit que les étoiles sont le bout de leurs cigarettes allumées.

Romain suit le doigt.

Grand-père Maurice
Quand tu vois une étoile filante, c'est Humphrey Bogart qui jette son mégot. La lune, c'est Groucho Marx et son gros cigare.

Un éclair zèbre le ciel.

Grand-père Maurice
Ha! un éclair! ça, c'est les flashs d'un appareil qui prend Rita Hayworth en photo.

Le tonnerre retentit.

Grand-père Maurice
Et le tonnerre,.. c'est Fred Astaire qui fait des claquettes.

Soudain, des trombes d'eau. Les convives courent autour de la table et débarrassent en toute hâte les plats. Des cris fusent. Romain et Grand-père Maurice entrent se mettre à l’abri.

Romain (off)
Par contre, je n'ai jamais su à quoi correspondaient les trombes d'eau qui nous tombaient dessus, car il nous fallait toujours rentrer en quatrième vitesse.

12. Intérieur. Jour. La salle de classe. CM2.
Le film de Charlot se termine.

Plein cadre, noir et blanc :
La jeune aveugle accroche une rose au revers de la veste de Charlot. Elle reconnaît au toucher le riche qui lui a permis de retrouver la vue. Charlot a un sourire gêné.

On est sur Romain.

Plein cadre, noir et blanc : L’institutrice accroche une rose au revers du blouson de Romain. Romain hume le parfum de la rose et demande à l’institutrice si elle a retrouvé la vue. Le rond se rétrécit sur le visage de Romain qui exprime un sourire plein d’amour. Le mot fin apparaît.
On revient à la classe :

L'institutrice
Il nous reste une demi-heure. Nous allons faire une petite rédaction.

Certains enfants soupirent.

L'institutrice
Vous allez me décrire votre héros préféré. Pourquoi vous l’aimez. Ce peut être un héros de film, d’un livre, d’une bande-dessinée. Je vous laisse le choix. Laissez libre cours à votre imagination.

Les élèves prennent une feuille, un stylo.
Romain regarde le ciel par la fenêtre. Dans le ciel passe un avion.

Même cadre : Il fait nuit. Le même avion, avec des lumières clignotantes.
Le cadre s'élargit : La classe est sombre. Grand-père Maurice est à côté de lui. Il désigne l'avion.

Grand-père Maurice

Tu vois les trois petites étoiles qui clignotent là-bas ? La rouge ! la verte! (un temps)…Ha ! non ! Ça, c'est un avion (il fait un sourire à Romain)

On revient à l'image précédente. Le ciel est bleu. Il n'y a plus d'avion. Romain regarde toujours au-dehors. L'institutrice marche dans l'allée. Elle s'approche de lui.

L'institutrice
Tu n'écris pas ?


Romain la regarde. Aucune émotion ne perce sous sa carapace.

Romain
Si. Je réfléchis à ce que je vais écrire.

Elle lui sourit, continue sa route.
Romain se retourne, regarde la fillette à la table derrière lui. C'est Lucie, avec son appareil dentaire et ses lunettes (Vue précédemment derrière Romain à l'église)
Derrière Lucie, on aperçoit, suspendu à une patère, le déguisement vu au début du film, déguisement composé d'une cape noire, d'un masque noir, d'un chapeau noir et d'une épée. Romain regarde le déguisement. Il prend son stylo et commence à écrire.

Romain (off)
Plus tard, je serai Zorro.

13. Intérieur. Jour. Une porte en bois.
Zorro est face à une porte en bois.
Il donne un coup de pied dedans. La porte s'ouvre d'un coup. Il entre dans une cuisine : de la paille par terre, un vieux tromblon accroché au mur en pierre, des poules qui se promènent.
Apparaît alors Sergent Garcia, les joues rouges couperosées et l’air ahuri. On reconnaît sous le maquillage le beau-père.

Sergent Garcia (il bafouille)
Mais… qu'est-ce... que....

Zorro lui assène un coup de poing dans la figure qui l'envoie valser. Il est projeté contre un buffet qui explose sous son poids. Zorro s'approche, tire son épée, et trace avec la lame un R sur la chemise du sergent.

14. Intérieur. Jour. La salle de classe.
Romain regarde l'institutrice.

Romain (off)
Mais surtout, je sauverai Mademoiselle Réjane.

Il se remet à écrire.

15. Intérieur. Jour. Un salon
Zorro sort de la cuisine et entre dans un salon. L'institutrice, vêtue d'une robe de taffetas, est ligotée sur une chaise. Elle gigote de façon grotesque. Un brigand édenté et au visage couvert de suie la garde prisonnière.
Zorro saute sur une table, saisit un lustre qui le projette en avant. Il envoie ses pieds dans la tronche du brigand, qui va s’encastrer dans le mur. Un tableau se décroche et finit de l’assommer.
Zorro se laisse tomber devant l'Institutrice. Il lui coupe ses liens d’un seul coup d'épée.

16. Intérieur. Nuit. Un donjon.
Zorro monte l'escalier d'un donjon en tenant l'Institutrice par la main. Ils arrivent au sommet.

17. Extérieur. Nuit. Haut du donjon.
Face à eux, la vallée à perte de vue. La lune les éclaire d'une belle lumière nacrée. Zorro enlève son chapeau, ôte son masque. C'est un beau jeune homme.

L'institutrice (stupéfaite)
Romain !!!!

Zorro la prend dans ses bras, pose ses lèvres sur les siennes.
Une sonnerie retentit. Zorro se retourne pour voir d'où ça vient.

18. Intérieur. Jour. Salle de classe.
Toujours la sonnerie. Les élèves se lèvent, tout en rangeant leurs affaires.

L'institutrice
Déposez vos devoirs sur la table en sortant.

Les élèves quittent la classe dans un brouhaha.
Romain range lentement son cartable, puis se dirige vers le bureau. Il est le dernier. Il dépose sa feuille sur la pile de devoirs.

L'institutrice
J'espère que ta rédaction sera aussi bien que les précédentes. Tu es doué, tu sais. Tu devrais d'ailleurs écrire un journal. Ou des poèmes. Si tu veux, tu peux même me les montrer et je te dirai ce que j'en pense, d'accord ?

Romain hoche la tête.
L'institutrice glisse les devoirs dans sa sacoche.
Romain regarde un livre posé sur le bureau (celui qu'elle lisait au début).

L'institutrice
C'est un livre de linguistique. C'est encore un peu tôt pour toi.

Romain
Je peux le regarder ?

L'institutrice
Bien sûr.

Il ouvre le livre au hasard, son regard se pose sur une phrase.
Il lit à haute voix, assez lentement :

Romain
« Palindrome » mot ou expression présentant la même série de lettres, qu'il soit lu à l'endroit ou à l'envers. Exemple : « Et la marine va, papa, venir à Malte ».

Il regarde la phrase, perplexe.

Romain
Et ça donne quoi, à l'envers ?

L'institutrice
« Et la marine va, papa, venir à Malte. »

Romain
Ça, c'est la première phrase.

L'institutrice
Oui, c'est la même phrase, mais à l'envers.

Romain
Et c'est la même chose ?

L'institutrice
Oui.

Romain
Et à quoi ça sert de la dire à l'envers si c'est la même chose ?

L'institutrice
Ça sert à rien, mais on appelle ça un palindrome.

Il tourne le livre à l'envers, regarde le résultat.
L'institutrice sourit.

L'institutrice
Non. En fait, il faut lire la phrase de gauche à droite, puis de droite à gauche. Et c'est la même chose.

Il remet le livre à l'endroit et essaye de lire de droite à gauche.

Romain
Et..la....ma...ri...ne..va....pa....pa...ve..ni.r...à..maaal...te.

L'institutrice
Et ça donne la même phrase.

Il hoche la tête. L'institutrice le regarde. Elle aperçoit un bleu sous le col de sa chemise.

L'institutrice
Qu'est-ce que tu t'es fait ?

Romain
Je suis tombé.

L'institutrice le regarde. Elle se baisse pour se mettre à sa hauteur.

L'institutrice
Tu sais, si quelqu'un te frappe, il faut le dire. Il ne faut pas avoir honte. Personne n'a le droit de te frapper.

Romain
Je suis tombé.

Elle se relève. Elle prend le bouquin, le range dans sa sacoche.

L'institutrice
Il faut que tu rentres, maintenant.

Romain hoche la tête.

Romain
Je peux prendre mon déguisement pour chez moi ?

L'institutrice
C'est pour la fête de l'école, tu sais bien.

Romain reste sans rien dire. Il attend. Elle le regarde.

L'institutrice
Tu peux le prendre pour le week-end, mais tu le ramènes lundi, d'accord? Et tu ne dis rien à personne.

Romain va chercher son déguisement, le met dans son cartable, puis sort.

19. Intérieur. Jour. Couloir d’école.
Un jeune homme entre. (On reconnaît le Zorro de son histoire). L'institutrice lui sourit.
Romain se retourne. Il voit le jeune homme embrasser la jeune femme.
Dans les séquences qui suivent, l’atmosphère change (l’ambiance sonore donne une impression de gravité)
Romain prend le couloir, passe devant un bureau. Un homme, la cinquantaine en sort. (on reconnaît le Grand-père Maurice).

Romain
Bonsoir Monsieur le directeur.

Le directeur lui fait un gentil sourire, puis continue sa route.

Romain descend les escaliers.
Il croise une femme de ménage, qui passe la serpillière. (On reconnaît la Tante Pauline).

La femme de ménage
Attention, ne passe pas où c'est mouillé !

Romain fait un écart. La femme continue de laver le sol.
Il est dans le hall d'entrée de l'école.
Le concierge appuie sur un bouton pour lui ouvrir la porte. (On reconnaît le brigand édenté). Romain sort.

20. Extérieur. Jour. Une rue.
On passe devant une boulangerie. A l'intérieur, le boulanger. (On reconnaît le curé de l'église)

On est sur Romain. Il est déguisé en Zorro. Il regarde le boulanger, puis continue sa route. Il marche dans la rue d'un faubourg d'une petite ville. Il arrive sur une petite place où stationne un car scolaire. Il monte dans le car.

21. Intérieur. Jour. Le car.
Il remonte l'allée. Sur son passage, des vannes du genre : « Hé ! Zorro ! t'as oublié ton cheval ? » « Déconne pas, c'est Zorro! ». Des rires fusent. Romain reste impassible.

22. Intérieur. Jour. Le car.
Le car roule sur une route de campagne. Le paysage défile.
Romain, déguisé en Zorro, est assis sur une banquette, seul. Il est tendu. Devant lui, des fillettes se retournent et rient de lui. Parmi elles, Lucie le regarde sans se moquer.
Le car s'arrête, il se lève, remonte l’allée sous les quolibets. « Hou, j’ai peur, c’est Zorro ». Il descend.

23. Intérieur. Jour. Le car.
Le car repart.
A une fenêtre du car, Lucie le regarde avec attention.
Romain soutient un instant son regard, puis se détourne et prend un chemin de terre.
Il passe devant une ferme. Un type sur un vélo le dépasse et s'arrête devant la ferme. Il descend de vélo. (On reconnaît Oncle Léon).

Monsieur Léon
Bonjour, Romain !

Romain
Bonjour, Monsieur Léon.

Monsieur Léon
T'as un beau déguisement, dis donc !

Romain continue sa route. A la vue de la maison suivante, il ralentit. Il s'arrête devant le portail. Il marque un temps d’arrêt. Il pousse lentement la porte. Elle grince. Il reste un instant devant le portail ouvert. Il inspire, puis emprunte le chemin dallé et gravit le perron. Il s’arrête à nouveau devant la porte. Enfin, il entre.

24. Intérieur. Jour. Maison.
Son beau-père (Robert), en Marcel, est avachi dans un fauteuil. (On reconnaît Sergent Garcia). Il regarde la télévision. Il a un air mauvais. Visiblement, il a bu.

Robert
C'EST QUOI CE DEGUISEMENT A LA CON ??

Il le dévisage, agressif.

Robert
TU M'ENLEVES ÇA TOUT DE SUITE ET TU VAS DANS TA CHAMBRE !!

Romain le fixe / On reste un temps sur Romain.

25. Intérieur. Jour. Une cuisine
On reconnaît la cuisine de la séquence de Zorro, sauf que là, les murs sont jaunes et le mobilier en Formica. Robert, Colette (la mère), et Romain dînent dans la cuisine. Un plat de pâtes trône au milieu de la table, une bouteille de rouge est placée près de l'assiette du beau-père. Une certaine tension règne dans la pièce. Robert tient entre ses mains le livret scolaire de Romain.

Robert (mauvais)
Regarde-moi ça! Non mais qu'est-ce que tu vas faire plus tard avec des notes pareilles!!!

Romain
Plus tard, j'écrirais des pièces de théâtre.

Robert
C'est ça. Et moi, je serais chanteur d'opéra! Alors, tu fais un métier sûr, et après, tu feras ce que tu voudras! D'accord ?

Romain ne dit rien.

Robert
Je vais t'expliquer, tu vas comprendre. Tu fais menuisier, tu construis des planches, tu les assembles, et après, si tu veux, tu peux monter dessus.

Romain
Je ne crois pas que les gens vont au théâtre pour voir un menuisier sur la scène.

Robert lui balance une claque retentissante.

Robert
Je n'aime pas les petits insolents.
Ton repas est fini, va dans ta chambre.

Romain soutient le regard de son beau-père, puis se lève et quitte la pièce.

26. Intérieur. Nuit. Les escaliers.
Romain monte lentement les escaliers.

27. Intérieur. Nuit. Chambre de Romain.
Romain est couché dans son lit.Venant du rez-de-chaussée, on entend une dispute très violente entre Robert et Colette. Des bris de verre. Des insultes. Romain ne bouge pas. Il subit.

28. Extérieur. Nuit. Devant la maison.
La porte s'ouvre. Le beau-père sort, en état d’ébriété. Il claque la porte. Il remonte l’allée, ouvre le portail et prend le chemin de terre.

29. Intérieur. Nuit. Chambre de Romain.
Romain est assis sur son lit.

30. Intérieur. Nuit. Salon.
À la télévision, la mère regarde une série américaine à l’eau de rose. Les deux personnages se disent qu'ils s'aiment, qu'ils sont faits l'un pour l'autre et tout le tralala sur une musique sirupeuse. La mère est émue. Elle rêve elle aussi. Chacun son rêve.

31. Intérieur. Nuit. Chambre de Romain.
On retrouve Romain, dans la même position. On entend hennir un cheval. Romain saute de son lit et se précipite à la fenêtre, qu’il ouvre.
En face, Zorro apparaît sur l’arête d’un mur. Il saute sur son cheval. (Zorro a pris maintenant l’apparence d’un Romain « adulte »). Il donne un coup d'éperon, le cheval se cabre, puis il part au galop. Il s'éloigne au cœur de la nuit.
On est sur Romain, à sa fenêtre. Il regarde au loin, vers où Zorro est parti.
On reste un instant sur Romain.

32. Extérieur. Nuit. Forêt.
Zorro, à cheval, galope sur un chemin de terre. Un éclair zèbre le ciel.
Le beau-père ivre marche en titubant sur le bord du chemin.
Le cavalier masqué passe en trombe. Les sabots du cheval frappent une flaque d'eau qui éclabousse le beau-père. Le beau-père se retrouve couvert de boue.

Robert
Non, mais il est con, lui !

Zorro s'éloigne dans la nuit étoilée.

33. Intérieur. Nuit. Chambre de Romain.
On est sur Romain, accoudé à la fenêtre. Un sourire hilare illumine son visage.